10 jours dans l’enfer des Geôles grecques

….. Il faut que je balance, ça va m’aider à évacuer mon stress post traumatique.

Alors que nous rangions, lavions, briquions, réparions, préparions, hivernions, etc ….ions – ions, notre fidèle destrier au port de Léros en vue de son hivernage, notre ardeur fut interrompue par le désir incommensurable de vivre la vraie vie des autochtones et donc de faire un tour aux urgences de l’hôpital public de l’île de Léros (7000 habitants et, oui mon petit, il y a un Hôpital Public à Léros).

La structure du bâtiment date de la 2eme guerre mondiale et les parties communes, les carrelages et les sanitaires des cellules sont bel et bien restées dans leur jus. Mais rendons quand même justice, les salles d’examen et les matériels n’ont rien à envier aux cliniques modernes des Alpes Maritimes tant par leur propreté que par leur matériel à la pointe. Les urgentistes sont nombreux et compétents (obligation d’effectuer la dernière année de spécialité dans les îles et les campagnes retirées de Grèce….. piste de progrès pour notre pays ? …. A bon entendeur ….).

Après une nuit en cellule monacale individuelle, icône orthodoxe au mur, chemise de nuit et couverture d’époque, papier hygiénique et serviette de toilettes non fournies, je me suis vue menottée d’une perfusion et d’une sonde urinaire puisque tout ce que j’avais pu dire s’était retourné contre moi. Et le verdict est tombé, à défaut d’aller me faire voir chez plumeau, il fallait que j’aille casser ailleurs mes cailloux hépatiques, Léros n’ayant ni les équipements nécessaires, ni le gastro idoine.

Après un séjour de 36 heures dans cet hôtel atypique, me voilà donc conduite, sous haute surveillance, au ferry de nuit ralliant Léros à Athènes, all inclusive y compris le bel urgentiste et Stéphane en sherpa avec tous nos bagages rassemblés en catastrophe à la One Again . 

Et là, le calvaire a commencé. Je suis passée de l’hospice vintage de la Grande Vadrouille aux geôles de l’univers impitoyable de l’Hôpital Public Erythros Stavros d’Athènes.

Après 30 mn d’une ambulance cahotant à loisir sur les routes défoncées de la Capitale,  ce faisant mettant à mal le ballon de baudruche sous mon sternum (si t’as jamais eu de coliques hépatiques tu peux pas comprendre) , je suis d’abord restée une demi-journée à l’accueil des urgences d’Athènes, coincée à touche touche avec 13 lits d’urgence dans une salle prévue pour 6 , voisine  d’infortune de qui sent l’urine et la cloche, qui s’est fait tabasser, qui glaviote ses poumons dans mes oreilles, qui gémit à plein râle, etc….etc….

Puis, horreur ! je passe de Charybde en Scylla et atterris dans une cellule commune pour femmes, de 8 lits, sans aucune séparation (ni paravent, ni rideau) et 1 sanitaire pour toute la chambrée. L’Hygiène y est déplorable, la saleté est omniprésente, les draps ne sont jamais changés, aucune chemise d’hôpital n’est prévue même pour le bloc – tu restes toute la semaine comme tu es venu – , aucun papier hygiénique.

Les visiteurs ne sont limités ni en nombre, ni en temps et restent toute la nuit à se taper la discute, s’interpelant d’un bout à l’autre de la chambrée à toute heure comme au marché aux poissons, parlant très très fort sans considération pour le repos des malades, sonneries de portables à volume max même la nuit , visiteurs ou  malades en FaceTime à decibels déployés même à 4 heures du matin,  néons allumés toute la nuit pour mieux jouer sur les portables , ou par les soignants  qui oublient d’éteindre, porte principale ouverte toute la nuit sur le couloir dans lequel passent brancardiers , visiteurs, ramassage de poubelles et démarcheurs commerciaux à toute heure , jour et nuit ( cachez les objets de valeur !). Les visiteurs des couloirs qui viennent se soulager les intestins dans les sanitaires de notre cellule, pourquoi se gêner ? . Le tout sans aucune intervention du personnel hospitalier qui s’en fiche puisque ce sont les premiers à hurler à tout bout de champ et malheur à toi si tu te plains car alors les visiteurs te menacent de représailles et font régner leur loi de racaille  en toute impunité et le personnel s’en contre balance d’autant plus que tu es étrangère ;  au contraire cela les fait bien marrer, en quelque sorte c’est leur revanche sur l’Europe et ses dictats de pays riches .  Il est donc impossible de dormir ou de se reposer.

Les infirmières sont brutales, incompétentes (5 plantages d’aiguilles pour une seule prise de sang et cela tous les jours pendant 5 jours) et sans aucune empathie.

Les malades ne sont lavés que par la famille ou par un sous-traitant intervenant à 2 heures du matin.

Le changement des couches pleines de selles et des poches d’urine des personnes âgées ou des pansements se font sous la vue et l’odorat des lits voisins situés à moins de 50 cm sans aucun paravent.

Pas de distribution d’eau et donc pas de verres même pas avec le plateau repas, lequel donne à vomir à sa seule vue, citrons piqués au moisi, bouillons de vermicelle réchauffés mille fois des restes de la semaine dans une eau de vaisselle.

L’Hôpital Public d’Athènes est donc un univers carcéral sans aucun respect de la personne, avec des malades prisonniers des petits caïds, et des infirmiers matons.

Je m’en suis échappée sauve, saine peut être pas – j’ai craint les nosocomiales, je m’en suis sortie avec seulement un COVID  et  2 bras aux veines massacrées par les cathéters, douloureux, impossibles à plier pendant 3 semaines et ayant doublé de volume .

Je conclurai en disant qu’un caillou m’a bien été enlevé dans une voie biliaire, dans une salle à la propreté douteuse, ouverte sur le couloir des visiteurs, sanglée comme une hystérique par une lanière en cuir sur la table d’opération, et injectée d’un anesthésiant au réveil cauchemardesque.

Et j’en finirai en remerciant Stéphane qui a vécu en live tous ces tourments et a réussi à me tirer de cet enfer en allant lui-même de bureau en bureau pour faire avancer les choses et en houspillant Europe Affligeante.

De retour en France, j’ai eu droit à une suite mais cette fois ci version 5 étoiles de cette épopée puisqu’un 2eme caillou resté coincé avait échappé à la vigilance de ces messieurs de Grèce.

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