Après toutes ces parenthèses, nous voilà arrivés au 8 Novembre 2022 et il est grand temps d’enchainer, on n’a pas que ça à faire ! il nous faut prendre l’avion pour les Canaries le 14 Novembre 2022 car la traversée Atlantique n’attend pas.
Non, non, nous n’avons ni fait traverser notre cata-hilare entre la Grèce et les îles lointaines espagnoles en si peu de temps, ni n’avons pris un billet Costa MSC Croisière pour New york, all inclusive, toboggan, thé dansant et chippendales compris.
Nous avons plus simplement rencontré en mai 2022 un couple australien, ma foi fort sympathique, lors de nos tribulations nautiques en Croatie. Entre 2 apéro quelque peu avinés (pléonasme) et un dîner arrosé, nous avions évoqué la possibilité de les aider à faire la traversée de l’Atlantique pour assurer les quarts de jour et de nuit, et plus si affinités (je parle de l’assistance culinaire ou logistique par exemple, non mais ! qu’est-ce que tu vas chercher ?).
Peter et Desi après avoir navigué deux saisons en Méditerranée devaient rapatrier leur catamaran, SOLIS, dans leur pays natal, un remake en quelque sorte de la longue route de Moitessier, pour ceux qui s’intéressent à la voile.
Et voilà comment on se retrouve, tels les galériens du XVII ème siècle recrutés par la soldatesque dans les tavernes après quelques pintes de bière de trop, à embarquer à bord de Solis par un venteux matin de Novembre 2022.
La traversée Atlantique s’est faite dans le cadre de l’ARC (Atlantic Rally for Cruisers) . Nous étions 138 navires au départ dont 1 moteur, des monocoques dont le plus petit de 8,2 mètres et des catamarans.
Nous étions donc 4 à bord de Solis et nous avons mis 3 semaines et 2 jours non-stop entre Las Palmas de Gran Canaria et Sainte Lucie dans les Caraïbes.
Il faut croire que nous n’avions pas assez procédé aux incantations de la danse des vents car nous n’avons jamais, au grand jamais, profité des Alizés (Vent régulier soufflant toute l’année de l’est, sur la partie orientale du Pacifique et de l’Atlantique comprise entre les parallèles 30° N. et 30° S.). Bien au contraire, les Dieux se sont acharnés sur nous avec des vents très forts de Nord, voire même d’Ouest de 20 à 30 nœuds avec rafales à 42. Nous sommes partis avec 3 ris dans la grand-voile, un mouchoir de poche en guise de génois, et des vagues de 5m à 6 mètres par le travers, de quoi voler lors de nos déplacements dans l’embarcation, plaies et bosses assurées. Cela a duré 8 jours et 8 nuits. Une vraie machine à laver forçant parfois/ souvent sur le programme essorage. Dis c’est quand qu’ça s’arrête ? Temps gris ou ensoleillé, frais ou doux, il y en a eu pour tous les goûts.
Pas mieux la 2ème semaine, sauf que des grains soudains se sont invités (pluies diluviennes pendant 5mn avec rafales à 40 nœuds).
Et nous avons fini sur un lac au moteur la dernière semaine….va savoir Charles !, j’te dis l’ temps c’est plus c’que c’était !
Nous avons été très prudents et avons maintenu 2 ris dans la mature les nuits pour éviter des quarts trop rock and roll (sauf la 3eme semaine au moteur of course).
Nous avons fait une pointe à 10 nœuds en baissant la tête et en rentrant les coudes (en partant au surf sur les vagues) mais la vitesse moyenne a plutôt été de l’ordre de 6 nœuds. Là encore c’est la vitesse d’un vélo.
Nous avons parcouru 3000 miles nautiques, soit environ 5600 km. Nous n’avons croisé que 2 ailerons de dauphins, pas vu de baleines, pas vu de tortues mais nous avons balayé le pont tous les matins des poissons volants venus mourir sur notre bateau (nous avons même failli être assommés par l’un d’entre eux). Nous n’avons pas cherché à pêcher de poissons. Mais nous aurions aimé pouvoir remorquer les centaines de kilomètres de bancs de Sargasses qui étouffent l’Océan à déjà 1000 miles des côtes. Nous nous sommes baignés à 600 miles de Sainte Lucie et l’eau était à 27 degrés.
Nous n’avons vu que 4 bateaux durant 3 semaines car même si nous nous tenions dans un mouchoir de poche au regard d’une carte, nous étions distants de plus de 20 nautiques les uns des autres et la rotondité de la terre ne nous accorde que maxi 5 nautiques de visibilité.
Il y a eu de la casse pour une dizaine de bateaux, dont 2 démâtages – donc pour eux une traversée possible grâce à la solidarité des autres bateaux qui se sont mobilisés pour transborder des jerrycans de carburant – et un coéquipier évacué par un navire de recherche américain, des pannes de câble moteur (à manipuler à la main pour accélérer ou mettre au point mort) , des lâchés de drisses de grand-voile (c’est pas donné à tout le monde de jouer au singe en haut du mât pur réparer avec des vagues de 4 mètres par le travers !- chapeau !) , des pannes de pilote auto (donc une traversée les yeux rivés sur le compas de jour comme de nuit (là aussi chapeau !) . 2 abandons au départ et 8 haltes improvisées au Cap Vert pour réparation. En ce qui nous concerne, nous n’avons rien eu à déplorer, même s’il est arrivé à Stéphane et Peter de jouer à Mc Gyver de temps à autres mais rien de grave.
Nous avons mis 22 jours et 6 heures et sommes arrivés les 1er …… du troisième tiers. Le premier a mis 14 jours et les derniers que nous saluons avec respect, dont le 8,20 mètre, après presque 5 semaines de navigation.
Nous avons mangé du frais (une des 3 cabines était notre verger / cellier / cave à vins). Les carottes, les avocats et les grosses courgettes ne tiennent pas la distance. En revanche tous les agrumes ainsi que les poires, les pommes, les tomates et les concombres sont des valeurs sûres en gérant bien la rotation par la case frigo. Les filets mignon, blancs de poulet, tortillas sous vide, crêpes à wrap, jambon cru et fromage en tranches, sans oublier évidemment le riz et les pâtes, nous ont permis d’être créatifs et consensuels autour des repas, car ce n’était pas gagné compte tenu des habitudes alimentaires un peu divergentes entre franchouillards et kangourous. Nous tenons à dispo un tableau Excel d’approvisionnement pour 4 personnes pour 3 semaines de traversée plus 15% pour la sécurité.
Nous avons passé 3 semaines sans prise de bec et sans soupe à la grimace, bien au contraire. C’était la plus grande crainte quand on part longtemps dans un lieu de vie restreint avec des personnes que l’on connaît très peu. Cela s’est passé dans la bonne humeur permanente et des discussions sans fin sur nos us – coutumes – lois et mentalités respectives de nos 2 pays, voire de nos 2 continents.
Nous avons organisé nos quarts de nuit en solo : 21h00 à 24H00 – 0H00 à 3H00 – 3h00 à 6H00 et 6H00 à 9H00, sans rotation car l’organisme prend vite l’habitude des horaires.
Nous avons rencontré des anglais, des allemands, des danois, des suédois, le tout dans un brassage bon enfant très chaleureux et convivial. De français point Messire. Seulement un en solitaire (hors ARC) venu nous faire coucou en plein milieu de l’Atlantique, sympa !
Ce fut donc un excellent moment.
Nous avons quitté Peter et Desi, à regret, à la Martinique, fin de notre voyage, qui ne seront de retour en Australie qu’en Septembre 2023, avec l’ARC Pacifique. Soit un périple d’encore plus de 9 000 miles, Saint Lucie – Colombie – Galapagos – Marquises – Polynésie – Les Tonga – Les Fidji – Wuanatu et enfin la terre promise des Kangourous et Koalas.
C’est sûr on se reverra bientôt !