Lundi 17 Février 2025
Nous avons continué au moteur toute la nuit et jusqu’à l’arrivée car le vent ne s’est jamais relevé. La mer s’est calmée. Nous n’entendons que le ronron du japonais (alias Yanmar). Nous redoublons d’attention car nous sommes cernés par les cargos et les bateaux usines pour tourisme de masse, monstres luisants et menaçants dans la nuit qui croisent notre chemin ou nous poursuivent, ce qui est pire car on les attend anxieusement comme des prédateurs auxquels on ne pourrait échapper, ça passera ? ça passera pas ? frôlera ? ou nous emboutira ?
L’aube se lève et c’est terre ! terre ! en vue. Nous pénétrons dans le très étroit chenal qui remonte vers le fond de la baie, vers l’hôtel Hilton, pour aller ancrer à l’abri des vagues et du vent. Les bateaux à moteur de pêche au gros sortent à moteurs déployés sans se soucier de nous et nous frôlent sans vergogne. Les hydravions se posent aussi à 3 mètres de nous dans cet axe de circulation à l’évidence sans exclusivité nautique. Le chenal a visiblement été creusé dans le reef, et malgré le balisage, ce qui devrait arriver arriva, tout à coup arrêt non pas sur image mais crrr ! crrr ! sur rocher. Nous voilà bien ! impossible de faire marche arrière pour nous dégager, nous sommes bel et bien accrochés au reef telles les moules sur leur rocher et nous bouchons une partie de la voie de navigation. Nous appelons le channel 14 comme conseillé par les bateaux qui passent et commençons l’attente pour être remorqués. Le 14 nous dit que nous sommes à marée descendante alors que les données internet nous disent le contraire. Stéphane va regarder s’il y a des dégâts importants, a priori, non, seulement frotti frotta sur les quillons, pas de dommage aux moteurs ni aux safrans. Telle Anne sur sa tour, ne voyant rien venir , nous ré-essayons de nous dégager. Nous étions bien à marée montante et nous réussissons à nous décoller. Quelle C….e celle que j’ai eue sur channel 14 ! Ouf ! pas besoin d’assistance, et à 8H30 nous posons l’ancre au fond de la baie dans laquelle nous ne sommes pas tout seuls.
Nous prenons le temps de petit déjeuner et nous doucher puis direction douane et immigration avec le dinghy. Les formalités sont rapides car déjà bien préparées sur click to clear sur le net, cela n’empêche quand même pas de remplir en recopie les données de nos passeports et du bateau mais tout cela va assez vite. Seulement 2 bureaux à parcourir, OK pas au même endroit, mais bon ! on ne peut pas tout avoir, ce serait trop facile !. Permis de navigation à 300 euros pour 90 jours en poche et droit séjour pour une même période, nous voilà officiellement entrés aux Bahamas.
Puis nous allons visiter l’île et déjeuner de conch fritters (en fait de très bons beignets dont on ne sent pas du tout le goût de la conche) et de hamburgers pas très bons, face à la mer turquoise.
Que dire de Bimini ? C’est une île paradisiaque qui a tout. Elle est bordée du côté du chenal d’une eau transparente de rêve et de très jolies marinas aux poteaux de bois, mouillage à l’américaine, aux centaines de place. De l’autre côté, une mer plus venteuse et plus chahutée qui apporte la fraicheur bienvenue de la brise mais dont les couleurs de carte postale n’ont rien à envier à l’autre rivage.
Mais quel dommage, quel gâchis, quelle déception, quelle honte ! L’île est à l’abandon, les maisons en ruine ne se comptent plus, les quelques commerces peu nombreux affichent des vitrines poussiéreuses depuis longtemps désertées que plus personne ne viendra jamais ouvrir. Même les 3 liquor stores semblent à jamais fermés. La végétation reprend peu à peu ses droits. Deux ou trois restaurants magnifiquement installés face à la mer attendent le chaland qui ne viendra pas. Un petit hôtel avec piscine type best western de l’Ouest américain est ouvert. L’énorme, sans charme et hideux moderne Hilton en bout de l’île ne semble trouver ni sa place ni sa raison d’être posé comme une verrue dans le paysage qu’il domine, pendant à la hauteur de l’énorme bateau de croisière à quai qui nous a sprinté au finish ce matin. Il n’y a personne dans les rues malgré le bateau croisière. Le village commercial façon outlet à ciel ouvert à l’américaine, manifestement spécifiquement construit pour les bateaux de croisières ne comptent que 6 magasins dont 2 fermés et 5 chalands déçus qui déambulent , et surtout toutes les marinas sont vides à 99,99 % ! des marinas fantômes pourtant assez récentes et très fonctionnelles. Cela fait pitié. Et pour finir à proximité du Hilton, toute une zone en construction de maisons spacieuses de type californien le long d’un bras de mer artificiel façon port Grimaud. Mais pour qui ? sont elles seulement vendues ? A Bimini, on s’attend à voir rouler les fétus de paille, apparaître les zombies et hurler les chiens errants tandis que rouille tranquillement la centaine de voiturettes de golf qui attendent désespérément le touriste.
Un ouragan serait-il récemment passé par ici ? Que nenni ! En recherchant des explications sur le net je suis tombée sur un commentaire datant déjà de 2003 d’un voyageur ayant connu Bimini 15 ans auparavant et se faisant les mêmes remarques que les miennes ajoutant qu’il était plus lucratif et moins fatiguant pour les jeunes de se lancer dans le trafic de drogue que dans l’exploitation touristique aussi près de Miami, pourquoi se fatiguer alors que Ducros se décarcasse.
Et pourtant, Bimini à 57 miles donc 2,5 heures de bateau à moteur de la Floride a tout pour devenir la perle des Caraïbes, le St Trop’ des américains, le St Barth’ de la jetset, le Courchevel des mers pour peu qu’un promoteur respectueux d’une certaine douceur de vivre (entendre atmosphère feutrée , shopping « exclusive» et architecture raffinée) daigne s’y intéresser avec ses eaux turquoises et son sable blanc, après avoir passé l’île au spray d’une bonne dose de police répressive si effectivement elle est gangrenée par les trafics.
Il fait 26 degrés et 66% d’humidité, pour un peu on aurait un peu frais !















