Marina Marlin, Santiago – Cuba

Lundi 6 Mai 2024

Levée à 7h00 je regarde la zénitude des lieux que ne vient troubler de temps en temps que le  bal des teuf teuf des embarcations nautiques qui traversent d’anses en anses pour ramener ou amener les travailleurs dans leurs villages.

Il fait déjà très très hyper chaud et moite. Je vais être malheureuse toute la journée.

A 9h30 nous partons en taxi à la découverte de Santiago de Cuba qui se trouve à 10 km au fond de la baie mais inaccessible pour nous en dinghy (interdit). Nous voilà embarqués dans un minibus relevant plutôt d’un collectif bétaillère ayant dû connaître les débuts d’Elvis Presley .

Nous commençons par le cimetière Iphigénie dont nous a parlé Jorge. Un cimetière à l’entrée de marbre gris et blanc, tondu et entretenu au cordeau, esplanade nickel, bâtiments fraichement repeints. Rien ne dépasse. On pourrait croire l’entrée d’un cimetière américain. Il faut dire qu’à l’entrée ce sont les 4 monuments décrits par Jorge qui donnent le ton.

Le plus grand est le mausolée de José Marti, en fait fondateur du parti révolutionnaire cubain, philosophe et poète, mais aussi journaliste (déjà à l’époque les journalistes étaient à la solde d’idéologies utopiques et revanchardes !). C’est une sorte d’immense gloriette stalinienne au pied de laquelle 2 gardes tout emmédaillés , à la tenue d’apparat riche et impeccable, veillent. Pas un cil ne bouge, je ne sais pas comment ils y arrivent, car il fait tellement chaud. Ils sont si immobiles que je les avais pris pour des statues de cire.

A côté, une immense pierre ronde et humble entourée de petites colonnes. C’est là où reposent les cendres de Fidel. Un soldat faisant spécifiquement office de vigie au pied de sa tombe, tout en transe en parlant de « nuestro commandante » comme s’il parlait de Dieu lui-même, nous donne les consignes de « visite » de la tombe le plus sérieusement du monde (j’ai bien cru que si nous ne les respections pas nous serions passés par les armes sans sommation) . La tombe est humble et sans fioritures ostentatoires, des petites colonnes de 30 cm de haut reliées par des chaines entourent le petit carré de jardin de 6 M2 dans laquelle se trouve la pierre ainsi qu’un banc de marbre miniature. Devant, une « esplanade » de 3M2 de marbre. Mais pour ces 3M2 , il y a un sens giratoire à respecter (même si nous sommes seuls) . Il faut enlever casquettes, chapeaux et lunettes de soleil avant de se recueillir , j’allais dire se prosterner, devant la tombe de « nuestro commandante » . Il est interdit de s’assoir sur une des petites colonnes . Il est interdit de s’assoir par terre . Il est interdit de poser son sac par terre. On ne plaisante plus là !

Pour les autres monuments c’est beaucoup moins strict : celui du «padre de la nacion » Cespedes aux allures de mini monument de la place de la Nation à Paris …. la liberté au bonnet phrygien guidant ses pas …. Et  celui, le plus petit bien sûr ,de la Madre de la nacion Marianna Grajales, que surveille une immense statue de glaise de plus de 3 mètres de haut à son effigie. Chacun de ces monuments a également droit à ses gardes.

Nous assistons médusés à la relève de celle-ci qui a lieu toutes les demi heures. Un pas millimétré et solennel, rigides comme des soldats de plomb, une musique angoissante militaire, c’est impressionnant. Les militaires sont tous des jeunes d’à peine une vingtaine d’années dont le chef est une femme.

Nous allons ensuite nous promener dans la ville à partir de la Place Cespedes (le padre de la …. Bref vous voyez de qui je parle), place où arriva Fidel et sa révolution, où Fidel fit son discours, pas loin de la maison de …. Fidel …. bien sur. Fidel, Fidel, Fidel, nuestro commandante révéré , dieu sur terre d’entre les dieux.

2 rues décrites comme commerçantes nous ont été vantées : il n’y a rien de rien dans les magasins, à peine 3 culottes par ci un T-shirt par là. Tout est comme cela de bric et de broc, pas vraiment de vitrines, il n’y aurait rien à mettre de dedans d’ailleurs. D’ailleurs ils manquent tellement de tout que nous sommes très sollicités dans la rue : pour nous servir de guide (les cubains parlent assez souvent anglais ou un peu de français) ou pour nous demander un savon ou un stylo – jamais de mendicité d’argent mais de produits de première nécessité – Tout est monnaie d’échange pour eux, pour revendre et gagner de quoi subsister. On sent que ce ne sont pas que des personnes qui ne travaillent pas mais aussi des « gens bien » qui nous approchent timidement. Cela met mal à l’aise et pour ma part je me sens coupable d’être ce que nous sommes, nous, les nantis. cela fait de la peine. La Panot, la Rousseau, le Mélenchon, le Martinez, tous ces petits de la politique, venez un peu faire un tour par ici et vous verrez que toutes vos revendications d’enfants gâtés pourris sont indécentes et ne sont que mesquineries revanchardes de vos esprits étriqués. 

Les maisons et les rues sont propres même si c’est loin de sentir l’opulence : grilles rouillées, pans de mur derrière lesquels existe quand même une vie, maisons sans huisseries depuis longtemps oubliées. Aucun immeuble moderne, tout n’est que survivance d’un passé aux allures coloniales de fers forgés et balcons à balustrades délabrées. Des intérieurs monopièce avec pour seul ornement un fauteuil dans la pénombre. Peu de voitures et bien souvent ce sont encore ces belles américaines des années 50 aux formes arrondies mais rutilantes et quelques Lada. Point de voitures modernes ou de gros 4*4. Pas mal de motos. Des charrettes et taxis à chevaux. Des charrettes à bras aussi pour vendre 4 choux, 2 ananas et des sapotes (fruits locaux) . Des vendeurs ambulants qui arpentent les trottoirs annonçant leur marchandise : pâtisseries dans un bidon en plastique ex contenants pour peintures, vendeurs de pain dans un sac plastique, balcons de maisons particulières affichant la vente sur un bout de carton griffonné accroché au fer forgé, d’eau fraiche, de café ou d’un sac de bonbons, bref tout ce qu’ils ont pu obtenir et cherchent à vendre pour survivre. Là, sur une marche d’escalier un vendeur ayant pour tout marchandise à vendre : 4 bouteilles d’eau – 1 sachet de jus de fruits en poudre – un maillot de bain et une robe d’enfant à dentelle . Seuls s’en sortent à peu près (c’est-à-dire arrivent à manger) ceux ayant de la famille aux USA qui leur envoie de l’argent. C’est désolant. Leur gentillesse et leur dignité méritent mieux .

Impossible de prendre un café, la centrale en coupures de courant a encore frappé.

Nos déjeunons chez un « particulier » – enfin, comprendre un restaurant qui n’est pas d’Etat. La langouste grillée entière est 3600 pesos (10 euros) . Les murs sont griffonnés de messages de clients étrangers qui sont passés ici et nous découvrons avec un effroi ou ironie que la mission CGT française y a laissé son souvenir indélébile. J’espère qu’ils se sont étouffés avec leur langouste, je ne comprends pas qu’ils ne se soient pas contentés des restaurants d’Etat ! Nous passons devant une « boucherie », obscur étal sombre d’une pièce devant laquelle s’allonge une file pour obtenir un bout de salami, seule marchandise disponible.

Le temps s’est figé il y a près de 70 ans.

Nous rentrons fourbus et liquéfiés de chaleur au bateau pour découvrir que la centrale électrique a de nouveau repris ses coupures sans prévenir (pendant au moins 3 heures) et qu’il n’y a strictement aucun filet d’eau au robinet (toujours sans préavis) , déjà qu’il n’y avait pas beaucoup de pression auparavant. Heureusement que nos tanks sont pleins de nos eaux désalinisées et que nous pouvons prendre une douche salvatrice ! personne n’a le cœur pour un apéro . Nous restons chacun chez nous.

La pluie se met à tomber ….. acide. Nous découvrons les tâches jaunes sur le pont.

 

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