Sugar Bay, Acklins Island,Bahamas – Santiago de Cuba

Vendredi 3 mai 2024 et Samedi 4 Mai 2024

JOUR 1 et NUIT 1 :

Nuit du jeudi 2 au Vendredi 3 Mai très ballottée par les vagues au mouillage.

Ce matin il fait très chaud mais surtout très moite.

Les oignons – derniers vestiges de la République Dominicaine – tournent de l’œil. Ils ont pris l‘humidité.

Un dernier regard sur cette longue et belle plage de sable blanc sur laquelle nous n’avons même pas posé le pied , et ces eaux couleur turquoise des Bahamas. A la saison prochaine !

Il est 14h30 nous levons l’ancre, en route pour 48h00 avant le prochain arrêt ; destination Cuba .

Très vite nous nous faisons une idée de ce qui nous attend : grosse mer par le travers – les vagues peuvent faire plus de 2 mètres et déferlent sur l’avant, sur l’arrière, sur les côtés, au choix. Le vent est de 22 nœuds en moyenne par le 90 degrés avec de nombreuses rafales à 26 nœuds et certaines ont l’outrecuidance de monter à 33 nœuds. Accrochez vous les gars ça va secouer, et ……ça secoue !!!! On n’arrive pas à tenir debout sans se tenir fermement. Une galère. On a connu mieux quand même ! La voile cela doit rester un plaisir moi ch’t’l’dis ! Pourquoi je n’ai pas pris atelier tricot ? Musique : « Je s’rais tranquille, je s’rais peinard,  accoudé au comptoir !» euh non ! c’était pas celle là de chanson, c’est parce que j’ai lu qu’il venait de se remarier à 74 ans avec une cadette de 27 ans, faut avoir les narines bien accrochées !

De temps en temps des gouttes : embruns ou pluie ? On s’en fiche, de toute façon c’est moite partout, moite comme la mer, moite comme les sols qui glissent , moite comme les draps dans lesquels on se glisse tout habillé pour un somme de 3 heures à la fois, moite comme  tout ce que l’on touche, moite comme poisseux.  

De toute façon cela ne s’arrange pas, et quand arrive la nuit noire et les quarts de nuit, tu te retrouves seule face à toi-même, les pieds bien campés sur le sol du poste de pilotage pour ne pas glisser de ton siège sous les coups de boutoir des lames enragées qui cherchent à te happer et t’avaler,  les oreilles en alerte du sifflement des vents qui enflent, le nez rivé sur les  commandes du Garmin et du compas, le vent n’a pas tourné là ? Ne faut il pas prendre un 3eme ris ? le pilote est toujours opérationnel ? on suit toujours le bon cap ? c’est pas une lumière que je vois là bas au loin non signalée par AIS sur le Garmin ? Et c’était bien un éclair là bas ? vite le radar pour anticiper un éventuel méchant grain ou un éventuel inopportun sur ma route. Ce serait bien que le vent se calme ou les vagues , ou bien les 2, ce serait encore mieux. Le capitaine m’a autorisé des sommes avec des réveils de Steve Jobs toutes les 20 minutes pour faire un tour d’horizon de la situation, je n’arrive pas à en abuser, une inattention, une avarie seraient trop bêtes.

Nous ne croisons presque pas de bateaux, peut être 3 cargos tout au plus, et Absconder, Mahoa et Ile de Rey sont les seuls fada sur les flots.

Il est minuit, prochain quart de 3h00 à 6h00. Le jour se lève quand je repars me coucher jusqu’à 8h00 car je n’arrive pas à dormir plus longtemps.

JOUR 2 et NUIT 2 :

Il est 8h00 du matin, la pointe Est de Cuba est à 11 Miles, Terr’ ! Terr’ ! Terr’ ! que disait la vigie en haut de sa hune avant d’apercevoir les gaulois. Nous sommes à mi chemin de notre périple vers Santiago (musique : Hisse et Oh ! Santian(g)o !, 26 nœuds et nos 3 bateaux, je suis fière d’y être matelot) et plus rapidement que prévu – force du vent oblige – .

La côte de la pointe Est  est une falaise de collines et de verdure, sauvages et austères. Même la roche est sombre, comme le ciel d’ailleurs. Pas âme qui vive ni sur l’eau ni sur terre, pas une construction.

Préparation du petit déjeuner , sportif, comme pour le diner d’hier (qui était pourtant un décapsulage de paëlla sous vide au micro ondes ) , il faut tout tenir à la fois et éviter de s’ébouillanter. D’ailleurs même le micro ondes tente de s’échapper, on doit le faire tenir comme on peut en le bloquant avec des cuillères et des planches à découper.

On a abattu un peu pour tourner autour de la pointe Est de Cuba, cela signifie s’écarter un peu plus du lit du vent que l’on prend maintenant plutôt pas trois quart arrière et non plus en perpendiculaire, cela a aussi pour conséquence de prendre maintenant les vagues par le trois quart arrière. Cela secoue moins car le cata (pas drôle aujourd’hui) monte au surf sur les vagues, au lieu de se les claquer sur la coque, pour mieux redescendre et s’enfoncer dans les eaux. Mais les vagues ont aussi forci, elles sont maintenant à plus de 3 mètres de haut et s’élèvent menaçantes bien au dessus du franc bord et presque au niveau du fly (la terrasse du dessus pour les néophytes). On se prend alors à prier que la crête ne vienne pas s’éclater sur notre poupe. C’est impressionnant. Surtout ne pas regarder vers l’arrière !

Petit détail : la météo avait prévu pétole !  on ne doit pas avoir la même définition !

On guette une éventuelle Armada (armée en espagnol) en approche pour nous demander ce que nous fichons là : 3 bateaux français seuls sur l’eau et normalement Seas to See aussi dans les parages à moins de 10 miles, cela doit faire penser à une nouvelle baie des cochons, Non ? Pour le moment aucun contact ni sur mer ni par VHF ni par tirs de mortiers, ouf ! Pour qui connait ses classiques, Un bateau français c’est un bateau , 2 bateaux français c’est 2 bateaux, 3 bateaux français c’est des barbouzes ! et 4 bateaux français c’est quoi ? une invasion !

L’après midi le vent mollit à 15 nœuds en vent arrière. Les énormes vagues sont toujours là Nous nous trainons à 5 noeuds  sous cet angle surtout avec nos 2 ris dans la grand voile, mais peu nous importe, au contraire même, car il ne faut pas arriver trop tôt demain matin à Santiago, en tout cas pas avant le lever du soleil. Nous sommes au coude à coude avec Mahoa, ce n’est pas une course, ça tombe bien. On se fait des coucou en visu sans jumelles, Absconder est à 4 ou 5 miles devant nous . Pas de nouvelles de l’Armada, pas de nouvelles de Seas to See.

Depuis que nous naviguons plein Ouest le long de la côte Sud de Cuba, (tu sais quand on a tourné à gauche après le chien, mais non tu ne peux pas te tromper !),  ce ne sont que des lignes et des lignes de premier, de second et de n-iéme plan de crêtes de montagnes vertes entremêlées dans de gros nuages gris plomb. Musique : « où sont les plages ? avec leur sable de talc blanc, dites moi où sont les plages, les plages, les plages …. » allez un peu d’imagination que diable pour mettre de la musique sur ça.

En fin d’après midi Seas to See nous a rattrapé. Le BP 390 de l’armée cubaine aussi . Ce navire nous suit à distance à notre rythme sans rien nous demander mais nous sommes sous haute surveillance ça c’est sûr.

Dans la nuit le vent se calme à 8 nœuds et après une allure de 3 nœuds sous voile, c’est au moteur que nous finissons notre périple.

Peu de lumières voire pas du tout sur la côte sauf en passant devant Guantanamo. Là on ne pouvait pas les louper, un vrai sapin de Noël. Absconder et Mahoa se font d’ailleurs alpaguer à la VHF par les ricains qui les prient d’aller jouer un peu plus loin au large de leur base, pas question d’entrer dans le carré en pointillé sur la carte, on ne rigole pas avec les hamburgers. 

A 8h00 c’est en armada triomphante que nous pénétrons à la queue leu leu dans cette « main » de la carte ; savoir l’entrée d’une baie qui se révèle à plusieurs petites branches et recoins. A la 2eme anse c’est notre point d’arrivée: la Marina Marlin de Santiago de Cuba. Une petite marina à 4 pontons et 2 squelettes de pontons dignes de ruines grecques : 3 socles cisaillés de béton béants comme des cadavres oubliés aux fers rouillés . 3 petits voiliers de jour oscillent à l’un d’entre eux, et 2 voiliers un peu plus grands sur un 2eme ponton semble t il habités par des plaisanciers de passage. Et puis nous ! c’est tout !

 

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