Mercredi 2 Avril 2025
Il fait chaud à l’arrêt et moite. Le vent souffle à 16 nœuds Est – Sud Est, nous allons pouvoir reprendre la route et nous aérer.
Nous avançons entre 5 et 7 nœuds au près. La mer est formée et moutonne cabrant notre proue et nous ballottant de droite et de gauche ; hula hoop des temps modernes. Il paraît que cela fait les abdos ?! Puis cela se corse, ce n’est plus drôle du tout. La proue monte dans le vide de 1,5 m pour lourdement retomber avec grand fracas sur le béton de la mer par 1 fois, 2 fois, 3 fois, et cela ne s’arrête pas . Il est très difficile de marcher et se tenir debout et cela relève du défi. Les vagues nous arrivent de front et ne nous font aucun cadeau. Les flots se tamisent au travers du trempoline en gerbes étincelantes d’écume jaillissante qui giflent la coque, le parebrise et le pont . Au temps pour le cata tout propre !!!
Préparer à déjeuner dans ce contexte relève de l’exploit que nul n’applaudit . Obligés de tenir nos couverts, nos verres, les bouteilles et les assiettes à la fois.
Ras la casquette dont je ne m’affuble jamais d’ailleurs.
Maintenant ce que je vais vous raconter s’inspire de faits réels, donc toute ressemblance avec des personnages ayant existé n’est pas le fruit de votre imagination, âmes sensibles s’abstenir.
Par 19 nœuds de vent nous arrivons sur Warderick et affalons la grand voile quand tout à coup, patatras, voilà la grand voile prête à ficher le camp à l’eau . Avant de comprendre ce qu’il se passe, vite vite aller chercher des bouts (des cordes, des grosses ficelles quoi, n’importe quoi pour attacher, ton string ça ira aussi) pour la ferler (l’attacher comme on peut la plus repliée possible, autour de la bôme) et ainsi empêcher toute prise au vent et gonflement intempestif de celle-ci pouvant nous empêcher de maîtriser la direction du bateau, et nous laisser embarquer sur les bancs de sable bien trop près.
Nous prenons une bouée pour assurer stabilité et rapidité de mouillage pour la réparation. Qui n’a jamais pris de bouée par 19 noeuds de vent ne peut pas comprendre les forces en jeu. Tant bien que mal, quelques engueulades et une gaffe à l’eau plus tard nous voilà à poste. Plongeons pour récupérer la gaffe et nous pouvons maintenant œuvrer aux réparations.
Mais que s’est-il passé ? le bout en dyneema (petite cordelette très très très solide…..à moins qu’elle ne pète sous l’effet de la friction…. Arghh ! grhhh ! ) de la manille qui retient le lazy jack de bâbord à la barre de flèche a lâché (en français dans le texte, a lâché le rail de gauche en ficelle qui part de la poutre horizontale au dessus du bateau et qui va au mât sur les trucs horizontaux en haut du mât, et sert de garde fou à la voile quand elle descend – justement pour que la grand voile ne parte pas à l’eau – ).
Le capitaine fait son atelier crochets et tricots, modes et travaux, en ficelles dyneema pour refaire une attache quand tout à coup patatras un autre bruit, le dyneema de la poulie de tribord du lazy jack vient aussi de lâcher (bon là je ne ré-explique pas , tu prends l’explication plus haut et tu fais un dessin que tu retournes devant le miroir pour avoir le même à tribord) . si t’as pas compris c’est pas grave , c’est réparé maintenant.
Me voilà donc par 19 nœuds de vent à hisser le capitaine sur son baudrier en haut du mât. Grosse charge mentale pour moi : si je lâche la drisse et le winch (la ficelle avec laquelle je le fais monter sur un pivot électrique), Miss Marple et Hercule Poirot pourraient venir me chercher des noises…. Sans compter le fait que je serais bien dans la M…e ! .
Tout est bien qui finit bien. Les 2 dyneema sont réparées, la voile a été rentrée correctement entre les 2 bras du lazy Jack, le baudrier est redescendu avec le capitaine qui a conservé tous ses attributs (il faut savoir que se hisser ou descendre avec un baudrier peut avoir des conséquences néfastes sur les attributs du gymnaste masculin et le taux de fécondité du préposé à l’escalade).
Au passage j’ai oublié de signaler que les casques oreillettes permettant de ne pas s’insulter à gorge déployée l’un en haut du mât et l’autre au winch, bien que dûment chargés, ont trouvé le moyen de se mettre en rade au moment même où nous en avions besoin, d’où hurlements pour se faire entendre par ces 19 nœuds de vent. Peu de couples résistent à ce genre de panne … !!!! et à la prise de bouée par 19 nœuds de vent.

