Samedi 11 Mai 2024
Nuit torride …. De chaleur …. N’allez pas vous imaginer autre chose.
Un officiel des douanes nous réveille à 7 h 30 du matin. Toc Toc sur la coque. Il est arrivé dans une barque toute en bois comme au 18eme siècle. Il arrive avec une feuille de papier blanc et sans stylo et commence à nous reposer les mêmes questions qu’à Marina Marlin : d’où viens je ? ou vais-je ? Que fais je ? Tout cela est très existentiel, puis la question sur les possessions de drone ? VHF ? qu’il écrit BHF confondant certainement avec ce cher Bernard Henri F(L)evy, téléphone satellite ? antenne Starlink ? CV du catamaran et ses mensurations, bonnets B ou bonnets C, et sur le dinghy puissance, consommation….etc. Il a certainement des relais des Renseignements Généraux dans le village pour avoir eu droit à sa prompte visite.
Nous partons ensuite explorer le village. Incroyable ! comme un village du moyen âge. Des toits en chaume pour une barque ou une maison – ils ont dû prendre exemple sur le village des irréductibles gaulois sis à côté de Laudanum et Babaorum.
Une maison de torchis surplombée d’une tôle ondulée, terre battue au sol abrite un foyer dont la dame nous propose des légumes (en fait elle a 30 mangues,10 aubergines, 1 pastèque pas mûre et 20 poivrons pas encore sevrés à nous proposer).
Nous sommes tout de suite pris en main par le premier péquin qui nous a vu arriver de loin et s’autoproclame notre guide pour le tour du village.
Il commence par nous emmener chez son frère qui a une « ferme » : 2 mini granges de tôle ondulée et torchis servant de maison entourées de bananiers de la taille d’un homme et d’un cocotier, sans oublier la cuisinière : 4 pierres autour d’un trou noirci sous une tôle ondulée et le lave linge : 2 bacs en roche à l’air libre avec des pierres à frotter le linge pour tout savon !
De la terre battue partout, quelques porcelets, des poules dont les œufs ne sont pas consommés afin d’obtenir des poussins, des chiens errants et des bouteilles vides en tas à même le sol. Il nous propose du miel (lequel est parait il très bon – je ne suis pas une experte). Il téléphone pour nous aux 2 restaurants du village lesquels se révèlent fermés, ce que nous constaterons de visu un peu plus tard, fermés faute de clients et faute de nourriture à proposer – quand il n’y a jamais de clients tu ne fais pas provision de nourriture fraîche, c’est assez logique – . Il nous propose alors un barbecue de porc ou de mouton au milieu et à l’ombre de ses bananiers avec des sièges de fortune qu’il peut aller chercher . Dommage, le groupe n’est pas très chaud pour cette expérience enrichissante au contact des autochtones que j’aurais voulu vivre, car certains préféraient le confort d’un carrelage, d’une terrasse et de vrais sièges, que nous n’avons in fine pas trouvé – les restaurants étant réellement fermés – . Je suis sûre que cela aurait été délicieux et un très bon souvenir dépaysant de partage avec les locaux. En accompagnement il proposait une salade de tomates et des tranches de bananes vertes frites, lesquelles sont très bonnes pour y avoir gouté dans les restaurants de Santiago. Il faudrait savoir s’éloigner des carrelages cimentés pour fréquenter les terres battues.
Nous poursuivons notre périple sur un chemin de terre plus ou moins boueux mais très défoncé et nous arrêtons dans une maisonnette de 2 pièces en torchis, tôle ondulée. A gauche une pièce de terre battue où sont entreposés sur 5 M2 des régimes de bananes à 3 rangs chacun (au bas mot au moins 80 bananes par régime), à droite une pièce en terre battue également de 5 M2 presque entièrement occupée par 4 pieds, 1 planche et 1 matelas de 5 cm d’épaisseur de 1,40 m de large, que l’on appelle communément 1 lit ! Point barre , rien d’autre. A l’extérieur 1 carré de mauvaises herbes dans lequel croit une pastèque, 1 cuisinière à la mode du coin (4 pierres et 1 trou noirci) , 1 arbre au pied duquel est attaché Babe le porcelet.
On continue et c’est l’avenue centrale du village : des maisons de plain pied en ciment dans les 60 M2, assez correctes, pas de ferronnerie rouillée comme à Santiago, des jardins entretenus sans herbes folles devant les portails, des clôtures et des bananiers dans le jardin. En revanche la route a dû être goudronnée il y a plus de 60 ans et c’est un champ de mine sur lequel il nous faut cheminer entre gros cailloux, restes de goudron, mauvaises herbes et terre ravinée par les pluies.
Nous débouchons sur la « place du village » : un terrain vague sur lequel se dressent 4 constructions : 3 d’une vingtaine de M2 faites de torchis et …. Tôle …… ondulée (oui ! bravo ! vous avez deviné) que notre guide nous présente comme l’épicerie , l’autre, le bar et le troisième pas vraiment compris. En fait tout est fermé, les planches en bois sont cloutées, nous comprenons qu’il ne doit rien y avoir à vendre ou pas d’argent pour acheter quoi que ce soit . Le 4eme bâtiment ressemble à un quai de déchargement datant de l’ère mathusalem. Une porte en bois vermoulue s’ouvre, c’est la « boulangerie ». Un hangar assez propre dans la pénombre, toujours en terre battue très haut de plafond, en tôle … ondulée. Un gros robot pétrin et un four industriel ressemblant à un énorme frigo en inox, ainsi qu’un foyer en briques du type pizzeria. Un billot sur lequel pétrir le pain. Des chariots multi étages type chariots de plats de cantine, tout aussi vides. La boulangère nous dévoile tout ce qui lui reste savoir 10 petits pains qu’elle nous vend pour ce que nous voulons bien lui donner, de préférence du troc et pas d’argent. Ce sera un savonnette (qui coûte 2,50 dollars dans les magasins d’état ….. une fortune !) . Nous passons devant l’église évangéliste, une maison bien entretenue avec des chaises à l’extérieur sous un préau, puis devant les 2 restaurants, lesquels sont bien fermés. La bibliothèque municipale est une maison en torchis de 8 M2, la Poste un bâtiment de plein pied en ciment de l’ordre de 30M2. Enfin nous entrons dans une maison de 12M2 très propre avec air conditionné contenant 3 étagères sur lesquelles trônent 50 bouteilles de shampoing, une dizaine de savons, une vingtaine de boites de conserves de poivrons et de thon, quelques sacs d’un kilo de riz, et un rayon de 1 mètre de long de vin rioja, whisky et rhum cubain et près de la caisse une vitrine réfrigérée de bières en canettes. Les prix sont affichés en dollars US et n’ont rien à envier aux prix européens. Il s’agit d’un magasin d’état dans lequel on ne peut payer qu’en carte de crédit en dollars pour les touristes et carte de conversion dollars/MLC pour les cubains. J’aime autant dire qu’il n’y a aucun client. Je pose la question à la caissière qui ne semble pas mourir de faim : c’est bien une fonctionnaire cubaine. Plus loin une dame sort de sa maison et et nous propose une dizaine de bananes de son jardin que nous lui rémunérons 1 stylo.
Nous reprenons le chemin du rivage en concrétisant nos emplettes : un régime fort lourd d’environ 80 bananes pour 500 pesos (environ 1,42 dollars) plus un savon et un stylo. Nous retrouvons la petite dame du bord de « plage » qui nous cède 10 aubergines, 1 pastèque pas mûre, et 6 mangues pour ce que nous voulons en troc mais pas d’argent ; ce sera 1 savon, 3 stylo, un paquet de protections hygiéniques (devant lesquelles ses yeux brillent comme ceux de ma copine S. devant une boutique Hermès ou Boucheron, ouille! ouille! demain matin j’ai droit à une remarque sur whatsapp !!! qui aime bien châtie bien !). Si nous avions de vieux masques de plongée et de gros bouts pour son mari pêcheur, ce serait génial mais nous n’en avons pas à lui donner. Elle est aussi preneuse de vêtements, T-shirts homme/femme/enfant peu importe et plus généralement tout ce dont nous n’avons pas besoin. Ils sont démunis de tout.
Déjeuner au bateau puisque, finalement décidés pour un barbecue de cochon grillé, faute de grives, celui-ci ne pouvait décemment pas être comestible avant au moins 3 bonnes heures. Il fallait opter avant et c’est bien normal.
Les 2 structures hôtelières semblent ouvertes car illuminées le soir comme des sapins de Noêl, mais visiblement désertes de toute clientèle. Nous n’essayons même pas d’y aller.
Dans l’après midi petit tour en dinghy dans la mangrove. Pas le moindre poisson, pas la moindre tortue, pas le moindre oiseau, pas le moindre ortolan . Que des fonds vaseux et une eau verte. Les gamins du village rejoignent nos bateaux, cherchent à monter à bord et glaner quelques « regalitos » (petits cadeaux). Une des filles qui ne doit pas avoir plus de 13 ans arbore fièrement de faux ongles rouge orangé de plus de 10 cm de long ! visiblement comme aurait dit Coluche, il y en a qui sont plus égaux que les autres ! Ces ongles valent bien un fromage ? Tout miséreux vit aux dépends de celui qu’il nourrit.
Le soir, Mahoa et Ile de Rey partagent leurs diners respectifs à bord de Mahoa, régalés des T-punch et vins rouges inimitables de Jean Pierre.
Hyper mega insupportable chaleur dans la nuit. Difficile de dormir. Draps trempés