Samedi 7 Juin et Dimanche 8 Juin 2025
2 nuits de fatigue en mer, c’est bien assez pour gagner le repos du guerrier.
Tantôt sous voile mais sans vitesse excessive, le vent pouvant se montrer paresseux, plutôt souvent sous moteur, nous avons navigué 220 miles pour arriver à 6h30 à Virginia Beach à l’entrée de Norfolk.
20 miles de plus et nous avons mouillé à Fort Monroe après un petit tour à la station essence en face, à la Marina de Hampton. Un prix de diesel à vous laisser rêveur ou plutôt comptable du racket de l’état français ou autrement appelé TIPP (taxe pétrolière française), puisque nous avons payé ici : 0,89 dollar le litre !
Hier soir s’est révélé particulièrement tendu. Vers 20H00 nous sommes passés de 12 nœuds de vent (22 Km/H) à 45 nœuds de vent (83 Km /H) en l’espace de 15 secondes avec une pluie tellement giflante que la mer était devenue blanche d’écume sous l’affront, la visibilité réduite à néant et le ciel zébré d’éclairs. Tout l’extérieur même protégé comme le cockpit ou le poste de pilotage s’est retrouvé en un battement de cil dégoulinant sous les eaux, aucune assise n’a été épargnée. Stéphane était trempé agrippé à la barre pour essayer de maintenir un cap et éviter de se retrouver à la dérive. Nous n’avons eu le temps que d’enrouler le génois mais pas de prendre un 2eme et encore moins un 3ème ris. En théorie il eusse fallu être à sec de toile dans ce cas de figure, mais comment se mettre bout au vent dans cet enfer pour affaler la grand voile . Et pendant ce temps là, croyez moi, ça gamberge dans les neurones : pourvu que nous ne soyons pas foudroyés, pourvu que le mât résiste à tant de pression !
Même la chaise du cockpit a voulu se jeter à l’eau sous l’effet des rafales à 45 nœuds et je n’ai eu le temps que de la retenir lorsqu’elle a failli me décapiter en volant au dessus de ma tête. Du jamais vu. Et ce bruit des enfers qui rend fou du vent qui rage dans la mature et des toiles qui battent autour de nous à se déchirer.
Puis plus rien, mer plate, vent qui redescend à 12 noeuds aussi soudainement qu’il s’est fâché et retombe bientôt à 3 nœuds pour le reste de la nuit. La tension retombe, les nerfs font relâche et libèrent la fatigue mais coûte que coûte il nous faut continuer la route jusqu’au bout de la nuit, les quarts de veille reprennent. Stéphane essuiera encore 2 pluies drues et crépitantes mais déventées pendant ma rencontre avec Morphée, je n’en ai rien entendu. Côté positif : cela donne un bon coup de karcher au pont.
Le jour se lève il est 5H15, la mer est d’huile, il fait 23 degrés, et nous avons relativement froid – sans être gelés – faut pas non plus pousser Maurice dans le bocal ni mémé dans les orties !, le taux d’humidité est de 95%, tout est moite dans le bateau, du sol aux draps en passant par nos vêtements et nos chaussures, comme si nous avions enfilé des vêtements sortis de l’essorage sans passer par la case chauffage, pas très agréable.
Les dauphins prolifèrent par grappes de 4 ou 5, impressionnant ! Les moustiques et surtout les tenaces et peu farouches libellules pullulent et s’en donnent à cœur joie alors que je ne suis pas d’humeur, les yeux encore brouillés de n’avoir pas pu dormi mon soûl avant de reprendre mon tour de garde.
On aperçoit maintenant clairement les énormes cargos en attente qui n’étaient jusqu’à présent que des lumières sur l’horizon et des triangles verts d’AIS sur l’écran. Les navires des US marines patrouillent, nous sommes bien devant la Mecque de l’US army sur et sous l’eau.
Puis nous voilà dans le chenal d’entrée balisé de Norfolk.
Un appel sur le canal 16 de « l’US Warship 72 » pour Ile de Rey requiert bien vite notre attention ; et quand tu te retrouves à l’entrée de Chesapeake Bay discutant d’égal à égal pour convenir de ton croisement avec un navire de guerre américain, bâbord sur bâbord ou tribord sur tribord, tu sais que tu viens d’intégrer la légende des « meuriines » américains et que tu joues désormais dans la cour des grands , comme ceux qui ayant passé le Cap Horn peuvent se permettre de pisser au vent. Il ne te manque plus que le col roulé noir d’un Sean Connery sortant du massif du sous marin Octobre Rouge pour venir t’accueillir dans la baie (comprendrons les aficionados de movie). Et tu sais qu’il y a des sous marins sous tes pieds !
Une fois l’ancre à poste nous descendons le dinghy qui a toujours les bas qui plissent sur sa partie avant, ne s’étant pas remis de sa fuite ni de sa réparation par trop sommaire, et partons au petit resto de la marina devant laquelle nous mouillons.
Bien sûr hamburger au programme pour le capitaine, quant à moi je teste l’huitre frite (Fried Oyster) dans un sandwich sauce rémoulade (qui n’en a que le nom !) accompagné de frites. Bof bof , quatre huitres taille 4XL enrobées de panure frite dont la texture intérieure rappelle celle de la cervelle et le goût celui d’une moule, je cherche encore l’iode si caractéristique et recherchée dans une huitre.
S’en suit une méga sieste et une lutte acharnée et un combat perdu d’avance avec les no-see-um, encore dénommés yenyen ou nono. Il en résulte des boules rouges, chaudes et urticantes de la taille d’un oeuf de caille partout sur les membres . Arghhhh ! Grhhh !




